Atelier polyphonique gascon d'Aire sur l'Adour

Cantaires

© Cantaires | Décembre 2025

Cantaires est un groupe mixte d’une vingtaine de chanteurs qui œuvre, deux fois par mois, à faire vivre le riche répertoire polyphonique gascon. Gourmands de cultiver cette langue maternelle si chantante, les cantaires mettent tout leur cœur à l’ouvrage d’une collecte large de pièces issues majoritairement des Landes, des monts et vallées du Béarn, de Bigorre…

Adishatz a tots !

Concerts

2022

11/11   Tarsac (32)

2023

14/01   Perchède (32)
04/03
  Saint-Pierre du Mont (40)
12/05
  Tartas (40)
02/07
  Riscle (32)
24/09
  Aurice (40)
05/11
  Mormès (32)

2024

02/03   Bégaar (40)
19/04
  Maurens-Scopont (81)
20/04
  Aiguefonde (81)
21/04
  Albi (81)
10/05
  Tarsac (32)
09/06
  Viella (32)
06/07
  Garlin (64)
13/10
  Sarragachies (32)
15/12
  Saint Vidou (40)

2025

12/01   Grenade sur l'Adour (40)
27/04
  Duhort Bachen (40)
16/05
  La Bastide d'Armagnac (40)
17/05
  Aire sur l'Adour (40)
20/06
  Tartas (40)
09/07
  Cauterets (65)
10/07
  Argelès Gazost (65)
13/07
  Saint Sever (40)
11/10
  Geaune (40)
02/11
  Mont-de-Marsan (40)
29/11   Saint Pierre du Mont (40)
14/12
  Madiran (65)

Qu’elles soient très anciennes ou plus récentes, voire contemporaines, elles constituent un fonds patrimonial que nous peaufinons avec enthousiasme et que nous avons hâte de partager. Venez nous rencontrer lors de nos séances de travail, un mardi soir sur deux à la chapelle aturine des Ursulines, ou lors de l’un de nos prochains concerts !

« Une voie à travers chants »

Plusieurs voix en même temps, mais dans l’acception collective du terme, la polyphonie est pratiquement le contraire de la cacophonie. Ce sont plusieurs voix ensemble, ou plus précisément un ensemble de plusieurs voix. Le chant polyphonique est culture, et fait culture, à la fois signifié et signifiant. Il a du sens, il fait sens, il ouvre d’autres voies.

Être

Un groupe se réunit ou se forme pour chanter, pour donner de la voix ensemble. Que l’on soit deux, dix ou bien plus, l’important c’est l’expression collective et l’impression donnée. Le principe de la polyphonie réside dans la pluralité : plusieurs voix, plusieurs partitions, plusieurs lignes, plusieurs nuances, etc. Il ne s’agit pas de chanter tous la même chose ; il faut surtout chanter ensemble. Le texte aussi peut différer, mais le tout est harmonisé : c’est faire un à plusieurs, et que chacun garde sa singularité.

Et chacun a et joue son rôle. Une voix de tête, une voix qui accompagne, les voix de basse. Les voix qui accompagnent font souvent « la tierce ». Le tiers, dans le langage commun, c’est l’autre, l’anonyme, mais c’est aussi la tierce personne qui aide, qui facilite. Être autre et nécessaire. Les basses plus graves (les bourdons), assurent une assise, une nappe sonore soit pour valoriser l’ensemble, soit pour le soutenir en donnant des repères, pour garder le cap, autrement dit veiller sur la (voix de) tête. Ces autres sont en apparence moins voyants mais essentiels, ils donnent la couleur, et incarnent la nature de ces groupes. Chacun est autonome et tous sont interdépendants.

Mais la répartition des rôles peut changer, en fonction des chants, des groupes, des individus, des moments. Même s’il existe des habitudes, des façons de faire, rien n’est gravé. Les groupes se décomposent et se recomposent en permanence. Les voies de l’apprentissage passent par l’écoute, la monstration, la transmission, l’oralité : c’est une initiation de bouches à oreilles. Ce savoir partagé profite au groupe entier. Et l’initié apprend au contact des autres, avec les autres : c’est la pratique qui donne les clés du chant.

Le chant polyphonique est une production artistique que l’on retrouve dans chaque société, chaque culture, chaque groupe : tout comme il n’y a pas de peuples sans musique, il n’y a pas de peuples sans chants. Au point que l’on pourrait se demander si la première façon de faire groupe ce n’est pas de chanter ensemble. Le chant, comme la musique, déborde toujours du cadre strict de sa définition.

Exister

Le  chant, dans la culture populaire, accompagne tous les moments du « vivre ensemble ». C’est une pratique culturelle qui opère sur tous les champs du social : le sacré et le profane, le travail et le repos, les pleurs et les rires, solennel ou récréatif, ordinaire ou exceptionnel, et du berceau jusqu’à la tombe. Ajoutons que depuis plus de mille ans en Occident, comme en écho, le lien entre consonance et dissonance alimente la chronique de l’histoire des polyphonies, avec pour objectif le développement de l’harmonie. Le décor est planté : le chant est vivant, organique, image et miroir des sociétés.

Les chants liés aux veillées laborieuses (les dépouillades, par exemple) étaient souvent longs et répétitifs avec un rythme assez enlevé. Les soirées sont longues, il faut meubler ; s’il y a une ritournelle ou une mélodie un peu facile ou lancinante, tout le monde peut apprendre et chanter, le tempo un peu rapide retarde les bâillements. Un chant de travail, parfois, est lié à des gestes : le rythme est très important, et d’autant plus si ces gestes doivent être synchronisés, répétés, cadencés (pour les scieurs de long, par exemple).

Dans les espaces dévolus en général à des usages spécifiques, que ce soit en privé ou en public, hommes et femmes ont longtemps été séparés ou distingués. Des lieux séparés et des chants dédiés. Certaines tâches et, donc, certains chants sont féminins : chants de lavandière, de fileuse, les berceuses. Et d’autres sont typiquement masculins : chansons de bergers, de marins, chansons grivoises. Et puis il y a les moments partagés, dans des lieux partagés, qui sont dans l’espace public souvent organisés autour de chants : dans l’église, bien sûr (chacun de son côté, mais le même chant ensemble ou bien en alternance), lors de travaux collectifs (dépiquage, vendanges, tue-cochon) et, bien sûr, pour les festivités locales (fête du village, Saint-Jean, carnaval, 14 juillet).

Aujourd’hui, les pratiques se sont souvent effacées, la distinction de genre s’estompe, mais les chants restent s’ils sont partagés et revisités. Les « cantères » peuvent être mixtes, le répertoire est mis en commun, enrichi, augmenté. Hommes et femmes sont souvent à l’octave : intervalle qui plus qu’un autre est à la fois le même et un autre. Le chant spontané, dans les lieux de fêtes, certains soirs, à plusieurs voix : nouveaux interprètes, nouveaux lieux, nouveaux moments et nouvelles couleurs. Mais il vient rappeler et actualiser une histoire, une réalité.  Il  dit une société, un lien, un commun.

Signifier

L’étude du chant polyphonique amène à penser la musique et l’individu dans une société, donc à penser cette société. Être singulier dans un ensemble, mais faire partie, contribuer, avoir une place. Les polyphonies dessinent une voie. Elles disent et révèlent une tradition musicale, une histoire locale du rapport à la musique, une liste d’influences successives, etc. L’immobile et le mouvement. Ce qui reste, ce qui se modifie, et ce qui la transforme.

Ces chants sont une trace qui subsiste quand la pratique disparaît : ils restituent des usages, des façons de faire (des façons de dire, aussi), ils en gardent la mémoire, mais ils portent aussi les changements, les réarrangements, la polysémie : un chant de travailleurs qui peut devenir chant funèbre, un poème se transforme en hymne, une berceuse se meut en prière, etc. Ce sont des agents actifs de la patrimonialisation, gardiens et acteurs : un patrimoine qui fait patrimoine.

Chanter ensemble a du sens, des sens : dans les cultures populaires, ils disent une identité, un territoire. Quelques mots fredonnés, quelques notes, suffisent à rassembler, à agréger, à former un groupe même informel qui se reconnaît, qui sait, qui partage. Et pour un public non averti c’est l’incarnation d’un lieu, le spectacle d’une société locale. Ces chants deviennent marque, repère, signal.

L’art polyphonique dit et révèle un territoire particulier et ses confluences. Par exemple, le sud-ouest avec une couleur particulière : un peu d’occitan, une goutte d’armagnac, une pincée de classique, des accents hispanisants ou basques, une référence pyrénéenne, etc. Et puis chanter dehors, après un bon repas l’été, le soir, avec des amis et des inconnus autour d’un verre. La polyphonie est porteuse, indicatrice et révélatrice de culture.

En conclusion, le chant polyphonique suit sa voie et assure son devenir. C’est un chant à plusieurs dimensions : expression artistique, il est porteur d’histoires et d’une Histoire, il opère dans des temps et des lieux différents. Il a été, est, et sera le chœur de la vie sociale. Avec ces chants, une société se raconte, se donne à voir, se met en scène ; elle révèle ce qui la fonde, ce qui l’anime, ce qui la travaille. Mieux, elle le chante !

Article de Corinne Labat, ethnosociologue, spécialiste du patrimoine immatériel gascon (Université Toulouse III)

Notre prochain concert

aura lieu le

Dimanche 14 Décembre 2025

Eglise de Madiran
15h

Où il est question de patrimoine

Si les Cantaires sont des passionnés de chant, ce sont aussi des amoureux de la langue gasconne. Qu'ils soient parfaits locuteurs, enthousiastes amateurs ou complets néophytes, le dialecte les façonne en convoquant mille souvenirs attachés, vécus ou partagés. Bien conscients qu'un patrimoine se cherche, se débusque, se dépoussière, se conserve, s'entretient, se transmet et s'invente, ils font œuvre - modestement mais sûrement - de passeurs.


Corinne Labat en a beaucoup à vous dire à ce sujet !

A l'entorn de ma maison
Nau arròsas e un boton
Arrosèr flairejant
Viva lo bèth boton d'arròsa
Arrosèr flairejant
Viva le bèth boton d'argent